Là-bas, vaut mieux l’avoir vidée en sortant de chez soi. Pas la poche, bien sûr. Je parle de la vessie. Là-bas, la cure d’eau est une affaire de solidarité envers tous. Elle est itinérante. Quoiqu’il arrive, vous ne pouvez pas louper votre coupe. La palette des menus est très variée : à laper ou à boire jusqu’à la lie, chaude, tiède ou froide, claire ou floue, minérale, naturelle, potable ou pas, c’est vous qui voyez. Et c’est gratuit ! Sauf si vous décidez de ne rendre visite à personne, le tourisme urinaire est un sport national.
Vous devez boire « l’eau de l’étranger » avant de vous annoncer vous-même ou d’indiquer l’objet de votre visite. Sans cela, personne ne vous adressera la parole. C’est la coutume !
Cette coutume autrefois très répandue en Afrique, a toujours cours là-bas, au pays des hommes intègres et au-delà, dans la plupart des pays de l’Afrique de l’Ouest, région témoin des us et coutumes millénaires s’il en fut, épicentre de l’ipséité essentialiste africaine, ultime rempart contre l’ « occidentalisation » à outrance…
C’est là-bas d’où je reviens après un bref séjour de deux semaines, presque deux ans après mon premier voyage dont le souvenir est très rattaché à la notion de thermomètre car, entre Avril, Mai et Juin, Monsieur Celsius est de très mauvaise humeur !
Le mois de Février en revanches’est montré très tendre avec nous. Voire rafraîchissant à certaines heures de la nuit.
Le cœur a sa météo que la météo ne saurait influencer. Quand vous êtes amoureux, vous avez l’air guilleret et le cœur léger. Vous voyez des nuages là où le ciel est dégagé. Et inversement…
Je suis allé… comment dire déjà ? Me fiancer ! Et chaque fois que nous allions, mon père, ma sœur et moi rendre visite à notre belle-famille, nous avions droit à ce breuvage qui n’obéit à aucune une convention, selon une notion élémentaire héritée de l’école primaire : inodore, incolore, sans saveur…
Au-delà du protocole hospitalier, mon esprit vagabond m’a conduit sur des travaux de réflexion hydrauliques :
In fine, ce que je trouvais banal au début est finalement empreint de beaucoup de sens et constitue une grande richesse culturelle.
Je suis content d’avoir bu de cette eau. L’ayant bu, j’ai acquis la citoyenneté du cœur. Je ne suis plus un étranger ! Désolé, Camus !